Terrorisme: Qui sont ces burkinabè accusés de terrorisme et tués au Bénin?
Onze présumés terroristes ont été exécutés sur le territoire béninois pour faits de terrorisme et/ou de complicité de terrorisme. Parmi les 11, selon le communiqué annonçant leurs morts, il ressort que 7 étaient de nationalités burkinabè. Qui sont-ils et d’où venaient-ils? 4 des 7 ont été formellement identifiés. Ce sont des fils de la commune de Kantchari.
OUALI Souampa et HAOUSSA Namadi sont deux commerçants de la ville de Kantchari. Chaque année, à l’approche de la fête de Tabaski, ils font le tour des marchés de la commune pour acheter du bétail qu’ils revendront dans la sous-région pour se faire un peu plus de bénéfices. Mais cette année, l’aventure prendra fin le 20 Juillet 2022. Ils seront pris pour des terroristes et pour complicité de terrorisme à Banikoara, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière du Burkina non loin du parc Arly. Le même jour, selon des sources béninoises, ils seront conduits à la sortie de la ville menant au Burkina, puis exécutés.
Que s’est-il passé?
Depuis le mois de Juin 2022, Messieurs OUALI et HAOUSSA sollicitèrent comme à l’accoutumée les services de Dicko Moussa et Dicko Issiaka, 2 jeunes bergers de la ville de Kantchari pour conduire leurs bétails au Nigéria. Ces 2 jeunes devaient faire paître le bétail et le conduire en territoire nigérian. Arrivés, ils firent appels à leurs patrons de les rejoindre par les cars.
Sieurs Ouali et Haoussa avec d’autres personnes les rejoindront au Nigéria où ils vendront tout le bétail. Au retour, accompagnés des bergers, ils emprunteront l’axe Segbana-Kandi-Banikoara, pour rejoindre le Burkina en passant par Namouno, Diapaga. Après avoir passé la nuit dans la ville de Banikoara, les bergers Dicko Siaka et Dicko Moussa seront interpellés dans un lieu de restauration alors qu’ils étaient entrain de manger par les forces de sécurité du Bénin. Des membres de la famille affirment que les témoins de la scène disent qu' »ils auraient été considérés comme des terroristes alors qu’ils mangeaient et des personnes auraient contactés les militaires pour venir les chercher.« .
Interrogés, ils conduiront les forces de sécurité béninoises vers leurs patrons (Messieurs OUALI, HAOUSSA et d’autres personnes). Ils seront tous embarqués et conduits dans le poste de sécurité de la ville. Malheureusement, ils n’auront pas la chance de s’en sortir. Aux environs de 16h le même jour, ils seront conduits hors de la ville et abattus sans nouvelle, laissant leurs familles dans le désarroi.
Il eut fallu plus d’une semaine pour que les familles apprennent le décès de leurs proches.
Longtemps inquiets sans les nouvelles de leurs parents, les frères des victimes affirment qu’il eut fallu plus d’une semaine pour qu’ils apprennent ce qui est arrivé à leurs proches. Informé de l’arrestation de leur frère, un cousin de Monsieur Haoussa affirme avoir fait des mains et des pieds pour voler au secours de son « frère ». « Juste après avoir eu la nouvelle, nous sommes entrés en contact avec plusieurs autorités sur le territoire béninois. » nous confie-t-il. La brigade de gendarmerie de Kantchari et plusieurs autorités locales présentes à Kantchari ont été informées. Toutes les personnes de bonne foi, qui ont appris la nouvelle se sont battus pour comprendre le motif de l’arrestation. « Finalement, c’est après avoir fait partir un des nôtres au Bénin, pour rencontrer le Consul du Burkina au Bénin, que nous apprendrons qu’ils ont été tués pour fait de terrorisme. » nous a confié une des femmes d’une victime.
L’envoyé auprès du consul apprendra par la suite qu’ils sont accusés d’être des receleurs de bétails au profits des groupes armés. Ils sont accusés de conduire le bétails volés par les groupes armés dans la sous-région et de les conduire dans d’autres pays pour les revendre. Après la vente, ils achèteraient des motos pour les livrer aux terroristes. Ils seraient défendus comme ils pouvaient pour nier les faits, mais n’y sont pas parvenus. Plusieurs faits n’étaient pas à leurs avantages.
Qu’est-ce qui auraient poussé les militaires béninois à les prendre pour des terroristes?
Pour ceux que nous connaissons formellement, DICKO Issiaka, DICKO Moussa sont des peuls et des bergers. Des qualificatifs qui font peur en ces temps d’insécurité. En plus, l’itinéraire qui les conduit en territoire béninois passe par le parc W et celui d’Arly. Une zone actuellement considérée comme une Zone d’Intervention Militaire au Burkina, où l’armée burkinabè estiment être une des bases des groupes armés. Plusieurs villages du Burkina logés dans ces zones n’existent quasiment plus que sur la carte. Pouvoir traverser cette forêt avec des animaux sans en être inquiété fait systématiquement de vous, un fin stratège ou un ami des groupes armés.
Quand à leurs patrons, Ouali et Haoussa appartiennent à la confrérie wahhabite. Leurs barbes et leurs styles vestimentaires n’ont pas été en leurs faveurs. Pire, ils étaient connus de tous comme des revendeurs de motos. En effet, à chaque fois qu’ils se rendaient dans la sous région pour vendre le bétail, ils revenaient toujours avec des motos de type Aloba, Sanili, TVS, et autres marques de motos gros cylindré, pour les revendre à qui le voulaient. Actuellement, ce sont ces motos que les groupes armés utilisent le plus souvent.
Ces faits étaient-ils suffisants pour faire d’eux des terroristes ou des complices de terrorisme? On ne le saurait peut-être plus jamais, mais à Kantchari, ils sont toujours connus comme des commerçants de bétails. Une situation qui nous interpelle tous en cette période difficile. Nous devons apprendre à montrer patte blanche et éviter tout soupçon de terrorisme ou de complicité de terrorisme, comme le dit ce proverbe Marocain « Avant de fréquenter les gens, cherchez à bien les connaitre, et usez de prudence ».
Van Marcel OUOBA, Gulmu.info