PROCÈS « CHARBON_FIN » : LA DÉFENSE RELÈVE DES IRRÉGULARITÉS
Cette fois, c’est la bonne. Après deux renvois, l’audience de l’affaire dite de charbon fin a eu lieu le mardi 17 décembre 2019 au pôle économique et financier du Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Les débats du jour ont porté essentiellement sur la forme, les avocats de la défense ayant relevé des irrégularités liées à la nomination des experts dans le dossier.
Avant que le dossier ne soit retenu pour jugement, le président du tribunal a procédé à l’appel nominatif de toutes les personnes pouvant contribuer à éclairer la lanterne de sa juridiction. Mais une personne manque à l’appel : il s’agit d’un des deux experts désignés pour faire les constatations. Son absence constitue un blocage, car les avocats de la défense ont exigé la présence des deux spécialistes. Une suspension de trente minutes sera observée afin que le ministère public fasse venir l’expert.
La pause ayant permis de réunir tout le monde, à la reprise de l’audience, la défense a relevé l’incompétence des personnes désignées pour faire les constatations. Pour Me Moumouny Kopiho, avocat d’IAM Gold Essakane SA, le code de procédure pénale d’écrit comment poursuivre un individu, un préalable à tout jugement. La poursuite de son client n’ayant pas respecté les conditions définies par la loi, il était important pour lui de statuer sur la forme de la procédure. « La loi ne permet pas au procureur de nommer un expert. Elle dit qu’il peut désigner une personne qualifiée pour faire une constatation. Et dans ce cas de figure, c’est lorsqu’on signale un décès au procureur. Il peut requérir un médecin légiste pour constater effectivement que la personne est morte. S’agissant de l’expertise, l’ancien code de procédure pénale qui était en vigueur au moment des faits, lui, dispose que c’est le juge d’instruction ou le juge de fond qui peuvent désigner un expert », s’est-il expliqué. Et pour cet exercice, il y a une liste d’experts à la Cour d’appel. Lorsqu’il n’y en a pas un qui remplit les conditions pour la tâche, le spécialiste est désigné par écrit motivé. « S’ajoute à cet écrit motivé la prestation de serment de l’expert », a ajouté le conseil d’Essakane. Il a donc déploré que toutes ces conditions aient été violées. Ce qui le révolte davantage, c’est le fait que la prestation de serment ait eu lieu devant un procureur et non un juge. Et ce n’est pas tout : « On nous fait savoir qu’un des spécialistes est un chimiste, pourtant c’est un douanier ». Il est donc inconcevable pour l’homme en robe noire d’accepter un jugement qui ne respecte pas la loi.
Son confrère Me Pierre Yanogo a développé les mêmes arguments. « Il s’agit de tout sauf d’un rapport d’expertise. Que ce soit dans la désignation de ces experts ou dans l’exécution de leurs tâches, rien n’a été fait conformément à la loi », a-t-il regretté.
Cet avis n’est pas partagé par le parquet. Selon le ministère public, les experts ont prêté serment conformément à la loi. C’est parce que, a poursuivi le parquetier, ils ont produit un rapport qui dérange que la défense se braque. « Les spécialistes sont victimes de leur compétence. Ils ont travaillé en toute indépendance », a argumenté le parquet.
L’attitude de la défense n’étonne pas Me Rodrigue Bayala, avocat des parties civiles. Pour un dossier pareil, il fallait se préparer à une bataille sur la forme. Ce qu’eux, avocats défendant les intérêts de l’Etat, ont fait. D’où leur sérénité affichée lors des débats. Selon lui, le procureur a tous les droits de requérir toute personne en vue de constater la commission d’une infraction. Il a donc demandé à ses confrères de la défense d’arrêter de retarder la procédure en ces termes : « Ça fera bientôt un an qu’on est sur ce dossier et on attend la vérité. Evitons de prendre des chemins détournés. Allons droit au but».
L’audience reprend aujourd’hui à 11h au Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou.
Akodia Ezékiel ADA, Observateur Paalga