Crise sanitaire : Le business du Covid dans la commune de Kantchari
Alors que la pandémie de coronavirus continue de sévir au Burkina Faso avec 518 cas actifs à la date du 20 février 2021, les frontières terrestres du Burkina restent fermées. Une situation que des transporteurs véreux et des policiers des frontières dans la commune de Kantchari ont su transformer en business très rentable.
C’est par un décret pris en conseil des ministres que l’opinion apprenait des mesures prises par le président du Faso Roch Kaboré de la fermeture frontière terrestres du pays le 21 mars 2020 à minuit ; excepté pour les militaires et le fret. Une décision qui avait eu certes des incidences sur les revenus économiques des citoyens moyens, dont les voyageurs traversant la frontières de Kantchari.
Kantchari, dernière commune avant le Niger, la pandémie de coronavirus fait des heureux. En premier lieu, ce sont les propriétaires de mini bus communément appelés « Dinar ». Un voyageur explique que « la société de transport Rimbo reliant Ouagadougou et Niamey continue de vendre les billet Ouagadougou-Niamey, malgré la fermeture des frontières terrestres. », « Voulant me rendre à Niamey, j’ai été conseillé par un ami. J’ai pris mon billet direct pour Niamey mais le bus s’arrêtait à Kantchari. » continue-t-il. « Là, des mini-bus nous y attendaient pour nous faire passer la frontière et relier Makalondi, la première ville du Niger après la frontière. Long seulement de 40 km environs, nous avons tous débourser la somme de 3000 FCFA par personne. Habituellement pour parcourir la même distance, les transporteurs nous prenaient moins de 1000 FCFA. » explique-t-il.
Mais le calvaire du voyage ne s’arrête pas là. Arrivé au dernier poste de contrôle de la police avant la frontière nigérienne, à la sortie de Kantchari, le racket est vécu comme une norme. Un autre voyageur explique : » On a présenté nos carnets de vaccins, les cartes d’identité. Nos cartes d’identité ont été collectées puis envoyées dans un bureau où nous sommes passés payer 2000FCFA pour les burkinabè et 5000 FCFA pour les autres nationalités. La raison avancée est la fermeture des frontières pour cause de coronavirus. Tu paies ou on te garde. »
En somme, pour passer la frontière à Kantchari, il te suffit d’avoir 5000 FCFA pour un burkinabè et 8000 FCFA pour les autres nationalités sans être inquiété. Cette porosité au niveau de la frontière de Kantchari facilite la propagation du virus et enrichi illicitement des individus puisque toutes les sommes encaissées sans quittances en contrepartie, profite d’une part aux transporteurs et de l’autre aux policiers en poste à la frontière.
Adama O., un nom d’emprunt est un chauffeur de Dinar à Kantchari qui affirme qu’eux aussi sont victimes de racket de la part des policiers. « Il existe une entente entre nous et les policiers. A chaque passage, pour passer sans être inquiété, les policiers nous réclament entre 5000 FCFA à 20 000 FCFA selon le nombre de passagers que l’on transporte et le nombre de passages dans la journée. »
Un autre chauffeur qui a bien voulu nous faire traverser la frontière pour vivre la situation nous confie que « Ils ne regardent même pas ton visage. Ils n’ont pas de pitié. Que tu sois vieu ou jeune, que tu pleures ou pas, ils ne te considèrent pas. Il y’a des policiers ici qui te disent que si tu n’as pas d’argent, il ne faut pas venir ici. Le gouvernement a fermé les frontières, donc pour passer, il faut payer. Un point, un trait. Ce qui me fait mal, est que les policiers nigériens ne font pas payer leurs citoyens mais ici, tout le monde paie.” insiste-t-il.
Les pisteurs, l’autre pan du business
Pour éviter le racket, plusieurs voyageurs surtout natifs et vivant dans la commune de Kantchari, préfèrent avoir recours à des pisteurs moyennant 2.000F CFA pour les aider à traverser la frontière sans être inquiétés. Plusieurs jeunes de la commune de Kantchari utilisent leurs motos pour contourner la barrière de contrôle, puisqu’elle s’est rapprochée de la ville depuis le 4 avril 2020, après l’attaque du poste de police frontalier à la frontière du Burkina et du Niger située à environ 17km de la ville. Pour Karim (Nom d’emprunt), « nous avons trouvé du travail depuis que cette maladie est arrivée. Tous les jours, je transporte entre cinq à dix personnes, surtout des commerçants pour les amener à Makalondi. J’arrive à avoir entre 10 000 FCFA et 20 000 FCFA. »
A la question de savoir comment essayer de lutter contre le phénomène, un pisteur affirme que « cette fermeture des frontières est juste pour enrichir les policiers. Tout le monde sait qu’on ne peut pas faire un an sans voyager surtout pour les populations aux frontières. Nous avons des parents de part et d’autre de la frontière et chaque jour, nous avons des événements sociaux et chaque jour, des centaines de personnes traversent la frontière ».
Alors que les normes de l’UEMOA exigent la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace UEMOA, c’est avec désolation que le phénomène d’escroquerie et de contrebande et de corruption continue de sévir aux abords des frontières des états membres. Quoi de plus triste de constater que les pauvres qui sont plus victimes de la crise de la pandémie de coronavirus, soient ceux qui paient le lourd tribut de se voir exploités et pillés lors de leurs voyages.
Van Marcel OUOBA, Gulmu Info