Attaque de Boungou: Récit d’un rescapé à Radio Oméga

Ce mois de Novembre a été très meurtrié pour le Burkina en général et pour la société minière SEMAFO Boungou en particulier. Le mercredi 06 Novembre, un convoi de la mine est tombé dans une embuscade tendue par des hommes armés non encore identifiés. Radio Oméga a recueilli le témoignage d’un rescapé de l’attaque de Boungou. Nous vous proposons in extenso son récit des évènements qui ont fait 39 morts:

«Comme tous les matins de départ, je fais partie de ceux qui arrivent un peu tard au lieu d’enregistrement pour le bus. Je suis allé m’asseoir à l’arrière de mon bus qui était à l’arrière du convoi. Dès le début du trajet, je me suis endormi. C’est un coup de feu qui m’a réveillé. On ne comprenait pas d’où ça venait. Puis on a entendu de nouveau des tirs. Et nos vitres ont volé en éclat. Je me suis jeté à terre. Le bus n’avançait plus et les tirs se multipliaient. Ça semblait venir de partout. Et on a entendu des gens crier « Allah Akbar! « .

À en croire les voix, ils étaient plus d’une dizaine. Tous ceux qui ont essayé de savoir ce qui se passait à travers les vitres ont été touchés par les balles et certains sont morts sur le coup. À un moment donné, les tirs ont baissé d’intensité puis cessé complètement. Et entre temps, on a vu arriver un tricycle chargé de charbon avec deux personnes au-dessus et elles sont entrées dans notre bus. Mais elles ont juste dit que l’on ferait mieux de s’enfuir et elles ont fait demi-tour. Moi j’avais décidé de mourir dans le car au moins on viendra trouver mon corps. Je me disais que comme ces terroristes ont quitté la brousse pour nous attaquer et on ne connaît pas leurs bases donc j’allais fuir pour aller où?

Quelques minutes après les tirs ont repris avec beaucoup d’intensité et les terroristes sont entrés dans notre bus et tous ceux qui montraient signe de vie ont été achevés. Si tu bouges un peu seulement, ils te tirent dessus pour t’achever. Il y a l’un d’eux qui est arrivé à mon niveau et m’a piétiné le pied avec ses grosses chaussures mais je n’ai pas réagi. On les à entendu parler de brûler les cars mais ils n’y arrivaient pas apparemment. Il était 9 h et quart. Ils étaient vraiment à l’aise et communiquaient entre eux en allant et venant autour des cars. Ils parlaient fulfuldé et mooré. Ils ont parlé à des collègues. Ils ont dit qu’ils vont nous tuer tous et on n’a rien vu d’abord. Que ça ne fait que commencer.

Ça a duré 30 à 45 minutes. Une autre vague de tirs a commencé. Mais ce n’était pas dirigé sur les bus. Je les entendais crier « renfort! renfort! » et j’ai cru qu’ils demandaient du renfort à leurs éléments mais en fait ils se signalaient que notre armée arrivait en renfort pour intervenir. Les tirs ont duré une vingtaine de minutes environ. Nos militaires sont arrivés autour des bus et ont continué à tirer en direction de la brousse sans nous parler. Ça a duré encore une dizaine de minutes.

Et les militaires sont venus au niveau des bus dire que ceux qui peuvent descendre n’ont qu’à descendre. Dieu m’en préservè-je ne sais pas s’il y a eu des gens qui ont pu s’enfuir et qui sont en vie mais dans notre bus en tout cas il n’y avait pas plus de 5 qui étaient en vie qui sont descendus du bus. Au sortir du bus, moi je n’avais rien mais tellement que j’étais beigné dans du sang, tous ceux qui me regardaient pensaient que j’avais reçu des balles. J’étais tétanisé. Il était 13h passé. Et j’avais encore plus peur en pensant que ça avait duré tout ce temps. Les militaires ont commencé à faire le point. Ils ont dit qu’il n’y a pas de victimes du côté de l’armée.

Je me suis dit que sûrement ils ont pu s’échapper parce qu’en repensant aux tirs, je n’ai pas senti la riposte. Un autre rescapé qui ne dormait pas au début de l’attaque m’a dit la même chose que si nos militaires n’ont pas été tués c’est qu’ils ont fui parce que c’est le blindé en tête qui a explosé en premier avant que les tirs ne commencent.

On ne savait où on allait aller et comment parce qu’il n’y avait pas un autre bus où on pouvait rentrer mais les militaires nous ont dit de nous éloigner des cars. On ne voulait car on avait toujours peur. Ils nous ont convaincus en expliquant que comme les terroristes ont tripoté les coffres et les réservoirs, ils ne savent si les bus étaient minés. On est entrés un peu dans la brousse qui était touffue et on nous a fait coucher au sol. On avait toujours peur que les gens là surgissent encore et recommencent à tirer. Et puis des camions bennes qui avaient livré des concassés à la mine et qui étaient de retour sont arrivés au niveau de la zone du danger. Les militaires leur ont demandé de nous prendre.

Les morts ont été chargés dans un camion et nous avec les blessés on est monté dans les autres. Personne ne parlait. On a fait à peine plus de 2 km. On s’est arrêté près d’une heure. Toujours dans les camions. Y a un hélico qui est venu survoler pendant longtemps. Puis on est reparti. De temps en temps on attendait des tirs qui semblaient des tirs de sommation.

Arrivés à Ougarou, il y a un hélico de l’armée qui est venu transférer les blessés graves et ceux qui étaient des blessés légers qui ont été pris en charge dans le CSPS de Ougarou ont été mis dans les bennes encore avec nous. C’est là ils nous conduit jusqu’à Fada, on est arrivé autour de 22 h et toujours sans mots de quelqu’un. Quand on est arrivés à Fada, on a su qu’il y a deux bus qui ont pu forcer malgré les tirs, les vitres cassés, les pneus crevés et même avec des blessés et morts à l’intérieur, ils ont pu fuir la zone de danger et atteindre Fada. Nos camarades qui étaient dans ces deux bus qui nous ont devancé sont venus nous dire que l’Etat avait préparé un truc à manger pour les rescapés et ils nous ont dit: « approchez-vous et faites-vous servir » »

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