Portrait

Histoire du royaume gourmantché selon les traditions orales.

Fada N’Gourma est situé dans la province du Gourma. La forme d’appellation raccourcie de Fada N’Gourma est Fada. La localité a comme voisines : Bougui à l’est (8 km), Diapangou à l’ouest (20 km), Boudangou au nord (9 km) et Kouaré au sud (16 km). Fada N’Gourma est appelé Bengu par les mossi et les Yaana, nom qui signifie « terre des Bemba ». Fada N’Gourma aurait été fondé sous le règne de Yendabri, 14è empereur des Gourmantchés. Ses fondateurs, les Natambas seraient venus de Ojabwa dans la Kompienga à la recherche du chef de Bugi (près de Fada). Le nom autochtone de la localité est Nungu. Ce nom, donné en langue gulmancema signifie « pays des Numba ou Nanumba ». Le gentilé formé à partir du nom autochtone Nungu est Nunyoa au singulier et Nunyaaba au pluriel. Certains informateurs ont laissé entendre que leur péférence irait au nom Nungu s’il fallait indiquer la localité par un panneau signalétique. La localité possède comme emblème un crocodile. Les noms de famille autochtones les plus courants sont : Combary, Naba, Nassouri, Tankoano, Thiombiano. Selon les informateurs, un fils de la localité serait allé fonder Bilanga*. Selon les habitants, il existe une autre localité homonyme de la leur située au Tchad et nommée Fada. Le nom administratif Fada N’Gourma a été attribué à la localité par les Sonraï pour signifier « la cour du roi du Gourma ». Selon une autre version étiologique rapportée par Louis Fernand FLUTRE (1856) Fada voudrait dire « la grande bagarre ». Le gentilé formé à partir de Fada N’Gourma est Fadayen.

D’après des traditions Dagomba, un chasseur vint jadis du Tchad dans la région actuelle de Fada. C’était Tohadjie le vaillant guerrier qui épousa Pagawogbé, fille du roi. Ils eurent un fils, également grand chasseur qui quitta la région de Fada pour aller plus au sud. Sa première femme du nom de SOUHOUSAGBE est la fille d’un féticheur du Gourma. Le roi du Gourma lui offrit aussi sa fille en mariage. Il eut d’elle NA-GBEWA qui est le premier roi du DAGOMBA. Ce dernier régna à PUSGA, à la frontière de l’actuel GHANA. Il eut de nombreux enfants qui furent les chefs des principales dynasties, y compris celle des Mossi. En dépit de la tradition DAGOMBA il ne demeure pas moins vrai que les familles actuellement régnantes au Gourma viennent du Bornou. Béribéris émigrés durent conquérir les descendants de DIABA LOMPO pour s’établir ou d’incorporer à ces derniers par mariage et adopter leur nom de famille. En dehors des traits raciaux communs aux Béribéris et aux Gourmantché, de certaines coutumes que l’on n’a jamais rencontrées chez les Djermas et les Haoussaa, peuples interposés entre les Béribéris et les Gourmantchés.

Un tisserand gourmantche

Les populations de la région du Tchad-Ouest sont appelés ‘‘SOS’’. Le terme haoussa est ‘‘Béribéris’’.
Trois faits semblent corroborer cette affirmation qui voudrait que les Gourmantchés viennent du Bornou :

  1. L’exode des BERIBERI
  2. L’institution de l’échange de cadeaux qui se pratiqua jusqu’au milieu du XVII (17è) siècle.
  3. L’interdiction aux rois du Gourma de reprendre le chemin de l’Est.

Pour les gens de ma génération ce troisième fait trouve son fondement dans les circonstances suivantes : au 14 Juillet 1945 quand le Gouverneur TOBY convoqua le roi SIMANDARI à NIAMEY, ce dernier lui répondit que la coutume lui interdisait la vue du fleuve. Mais passant outre, la force primant le droit, notre monarque fut contraint de traverser le fleuve Niger. Les conséquences ne se firent pas attendre. Se rendant au palais, un doigt du roi fut pris dans la portière qui l’écrasa. La conséquence la plus grave de cette désobéissance est la suivante : peu de temps après son voyage vers l’Est, le roi SIMANDARI fut accusé de sacrifice humain, destitué et incarcéré. HAMTIOURI, qui le remplaça transgressa lui aussi la coutume en reprenant le chemin de l’Est. Il trouva la mort peu de temps après, enterrant avec lui pour une longue période le couronnement des Rois du Gourma.

Cette tradition des Gourmantchés venant de l’Est est confirmée dans un ouvrage paru en 1924 à Paris : ‘‘Etudes soudanaises. Nouvelles notes sur le Mossi et le Gourounsi’’.

La Tradition celeste

Le baobab sacré de Fada N’Gourma

Enfin une autre légende du pays Gourmantché, raconte que Diaba Lompo descendit du ciel tout armé, accompagné de sa femme KOMBARI et monté sur son cheval coursier. Avec lui, il amène une paire de chaque animal. Il atterrit vêtu de blanc dans la brousse entre PAMA et PORGA à KANKANGOU. A l’endroit de sa descente on montre encore la trace de son pied sur le rocher de KOUDIABOANGOU, la grande montagne noire. Les pierres n’étaient pas encore solidifiées. On montre aussi l’emprunte des pieds, des mains, des coudes de la femme dans la prosternation ainsi que les empruntes du sabre que DIABA LOMPO posa à côté de lui.

Il vécut là quarante quatre (44) ans durant de 1204 à 1248, habitant dans une caverne. Il imposa son autorité à tous et fit régner l’ordre dans tout le pays où tout le monde se mit à cultiver la terre.

Un jour, un homme vêtu de rouge sort d’un trou et lui sert de palefrenier. Il en fait le chef du village de BOUNGOU, son premier notable, l’ancêtre de l’actuel Tadano, le Ministre de la guerre. DIABA LOMPO était craint et respecté de tous ses sujets, même ceux de KOALLA, dit-on lui obéissaient.

Il eut pour successeur, son deuxième fils TIDARPO. Son fils aîné refusa de régner parce qu’il avait les cheveux ‘‘rouge’’. C’est lui qui fonda MADJOARI. De TIDARPO date le nom de THIOMBIANO dont nous verrons l’histoire au prochain chapitre et qui signifie celui qui attrape les hommes, le conquérant.

Ce nom THIOMBIANO (conquérant) justifierait en partie les premières conquêtes, que nous traiterons au chapitre premier et qui tendaient pour les successeurs immédiats de DIABA LOMPO, à organiser leur royaume.
JPEG – 184.7 koLes Gourmantché sont particulièrement reconnaissables aux longues scarifications qui leur balafrent chaque côté du visage, des tempes au menton.
L’organisation du Royaume Gourmantché

A la mort de DIABA LOMPO, en 1248, son deuxième fils TIDARPO lui succède. Le fils aîné, ayant les cheveux rouges, refuse la succession royale. Il part vers l’Est et s’installe aux pieds des falaises de MADJOARI. Il crée ainsi la chefferie la plus ancienne du royaume gourmantché.

Le troisième fils de DIABA LOMPO, BOAGRE, va vers le nord et se fixe à WE, près de GAYERI. La chefferie de ce canton occupe la deuxième place des chefferies de canton juste après MADJOARI parce que fondée par un fils de DIABA LOMPO. Il eut de nombreux enfants et petits-fils. Entreprenant comme leur père, ils sont avides d’espace. Ils établirent peu à peu en partant de WE toutes les chefferies de cette vaste région : celles de GAYERI d’abord, puis PIELA, BILANGA, BOGANDE et THION.

Une fille de DIABA LOMPO épouse “l’homme vêtu de rouge” qui était sorti étrangement d’un trou. Celui-ci nommé chef de BOUNGOU, fonde la dynastie des DAPOLGAS, les premiers notables du pays appelés TEDANO.

Le fils adultérin de COMBARI, femme de DIABA LOMPO connaît des difficultés avec ses demi-frères. S’étant disputé avec TIDARPO, il quitte la caverne royale de DIABOANGOU et avec quelques chefs de case il s’installe à NAPANI où il fonde la chefferie de PAMA que les Gourmantchés appellent DIAFOARI (le pays de la forêt). C’est l’origine de la famille des ONADJA qui règne actuellement à PAMA.

Sous le règne de TIDARPO commencent les premières expéditions hors de PAMA. Dans le GOBNANGOU les Gourmantchés ont des voisins remuants. TIDARPO longe les falaises et pousse une pointe jusqu’à DIAPAGA. Il impose son autorité et refoule les habitants de cette région dans le KOUBARGOU. De nos jours les Gourmantchés donnent le nom de KOUBARGOU au nord Dahomey, pays des Baribas. Un résultat de cette expédition fut la fondation de la chefferie de DIABO. A TANSARGA, dans le GOBNANGOU, TIDARPO remarque un valeureux guerrier du nom de TALOUPO. Il en fit son palefrenier. Celui-ci quitte son pays, marche vers l’Ouest, traverse la grande brousse accompagné de plusieurs familles. Ces Gourmantchés toujours inquiétés par les peulhs des confins du Niger, cherchent une région plus hospitalière. D’abord ils servent le roi à DIABOANGOU. Celui-ci leur donne le commandement des villages de LANTAOGO (peuplé de Gourmantché venus de la région de BILANGA), de TANGAYE et ZANRE (peuplé de mossi). TALOUPO s’installe à l’emplacement actuel du village et le baptise DIABO. Un de ses descendants, le chef YEMBOADO donne son nom au village de DIABO, “YEMBOADIN” pour les gens du village.
Aujourd’hui encore, les chefs de DIABO, portent le nom de la famille YONI originaire de TANSARGA. Ils parlent habituellement le Gourmantché. Le chef des cavaliers à le titre bien gourmantché de Tambado au lieu de Ouidinaba. La coutume exigerait même qu’un chef de DIABO, nouvellement nommé, aille recevoir l’investiture à TANSARGA. La chefferie est donc gourmantché mais la population est très mélangée. Elle a adopté les coutumes, les tatouages et la langue mossi.

Après ces deux expéditions à l’Est et à l’Ouest, TIDARPO rentra à PAMA-KOUDIABOANGOU. Il y vécu riche et puissant. Son règne, comme celui de DIABA LOMPO, dura quarante quatre (44) ans.
JPEG – 194.2 kol’intronisation d’un chef gourmantché
OUNTANI : (1292 – 1336)

Fils aîné de TIDARPO auquel il succéda, OUNTANI fut lui aussi un grand organisateur. Sous son règne, neuf chefferies nouvelles sont créées. La capitale est toujours le rocher de KOUDIABOANGOU dans la région de PAMA. Comme son père il fit plusieurs expéditions toujours victorieuses.

A L’EST :

Il retourna dans le GOBNANGOU consolider la conquête de TIDARPO. C’est l’époque où le GOBNANGOU est peuplé de BARIBAS réfugiés, dans les marécages de la BENDJARI et les montagnes peu élevées par peur des razzias qu’organisent régulièrement les Peulhs des bords du Niger. Il y a aussi les Haoussas, grands chasseurs qui parcourent les vastes forêts. Les Baribas vivent sans chef et sont particulièrement faciles à attaquer.

L’un des leurs, KOUATOUEME, avait été vendu comme esclave et emmené à KANO. Il réussit à s’enfuir à revenir dans son village natal de TINDANGOU. C’est alors qu’il cherche une protection pour son pays. Il va saluer le roi du Gourma, OUNTANI ; lui offre quarante mille (40.000) cauris, des nattes, des éventails, etc. OUNTANI ravi des présents donne sa fille en mariage à KOUATEME, le nomme chef du GOBNANGOU et lui promet son appui. En effet il l’aide à chasser un certain nombre de pillards au-delà du Niger et de la Pendjari. KOUATEME regroupe ses administrés en villages et met à la tête de ceux-ci trois fils qui furent chefs de YOBRI, TAMBAGA, TANSARGA. Pour ne pas favoriser telle ou telle branche de la famille du fondateur, les chefs de canton, depuis ce temps, sont pris alternativement dans ces trois villages.

Il est à signaler qu’à cette époque les Baribas de BANIKOABA, du sud de MADJOARI relèvent directement du roi du Gourma. Sous OUNTANI aussi, un de ses frères aînés crée le canton de BIZOUGOU et la dynastie des TANKOANO. Ce n’est que bien plus tard que NAMOUNGOU et BOTOU se sépareront du BIZOUGOU pour être indépendants.

A L’OUEST :

A la même époque, commencent les chefferies du pays YANCE. La mère d’OUNTANI, chassée par son mari, le roi TIDARPO, s’est enfuie vers l’Est et s’est remariée avec un habitant venu de GAMBAGA. Elle eut deux enfants : TARWINA et YENSIMBOU qui fondèrent COMIN-YANGA et SOUDOUGUY. L’aîné s’installe vers 1300 au village de LAMINGOU et commande aux quelques rares habitants. Il devient maître de la terre (Tengsoba) en se conciliant les dieux. Il vécut paisiblement, ami d’un géant BIMBIDAOGO et de sa sœur BIMBIPOKO, tous deux célèbres par leurs exploits gargantuesques. Sur YENSIMBOU j’ai eu peu de détails. Il est cependant à signaler qu’il fut le chef de NABONGOU, gros village du canton actuel de SOUDOUGUY.

A ce moment les régions de COMIN-YANGA et SOUDOUGUY commencent à se peupler de mossis et de Boussancés venant de OUARGAYE et de SANGMA. Cette population mêlée était le réservoir d’homme du roi du Gourma. Une expression gourmantché disait : “COMIN-YANGA était sa poche”. Le nom de SALAMBERE que portent la plupart des gens du YANGA exprime la même chose. Il vient de Salibré qui signifie le mors du cheval, la bride qui conduit en esclavage.

Textes issus de : Nassouri Bourdia Georges, Histoire du royaume gourmantché selon les traditions orales.

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